COLLECTER LES OMBRES, MESURER L’ÉCUME

2022 / Musée National de la Marine — Ancienne École de Médecine Navale, Rochefort

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Le projet d’exposition « Collecter les ombres, Mesurer l’écume » a été imaginé à la suite d’une résidence d’artiste qui s’est déroulée tout au long de l’année 2021.

Des riches collections du Musée National de la Marine, ce qui a le plus fasciné la plasticienne Elsa Guillaume est cette incroyable volonté qu’ont eue tant d’humains d’archiver le monde qui les entourait. Décrire, rapporter, trier et organiser précisément le végétal, le minéral, l’animal… jusqu’au plus important, et surprenant, l’humain. L’Ancienne Ecole de Médecine Navale, réunit en un lieu deux thématiques qui nourrissent l’artiste depuis plus d’une dizaine d’années: celle des grandes explorations et celle de la dissection. Thèmes divergents en apparence… Mais en y regardant d’un peu plus près, on remarque que c’est le même mécanisme, la même curiosité insatiable qui anime les scientifiques, les médecins et les marins: celle d’aller voir plus loin. Que ce soit au-delà des océans ou en dessous de la peau: il y a cette constante envie d’aller à la rencontre de territoires inconnus.

Répartie sur deux étages du musée, l’exposition réunit un corpus d’oeuvres composé de céramiques, métal, gravures et dessins. Toutes les oeuvres, aux surfaces claires et diaphanes, se détachent des grands plateaux sombres. Le regard s’attarde d’abord sur les grandes sculptures, archipels en grès presque brut. Des corps apparaissent dans la terre, l’écume se dessine à la cîme des îlots. Les petits amas rocheux dotés d’yeux humains accentuent le trouble. Anthropomorphisme du paysage, on ne saurait dire qui de l’homme ou de l’île englouti l’autre. Des plaques de métal gravées prolongent cette cartographie fantomatique. Ce sont des matrices d’eaux-fortes, procédé utilisé pour la diffusion des cartes dès le XVe siècle, qui nous emportent un peu plus dans le voyage vers ce lieu indéterminé. Disposés autour, flèches sculptées en métal et dessins à la plume conversent avec les collections, animent certains objets figés derrière les vitrines, et rappellent à quel point ils ont été en mouvement, et vivants par le passé. L’exposition est pensée comme un négatif aux récits, aux objets de chirurgie et d’expéditions conservés dans les murs du Musée. Car que rajouter à cette exhaustive et magnifique collection, si ce n’est souligner l’absent, le manquant? Noter cette vaine et belle quête: celle de collecter les impossibles ombres, tenter de mesurer de fugaces écumes.