Michel Gouery
2016
2016
Michel Gouéry : Dans plusieurs de tes pièces il y a une très grande violence, elle se décline sous la forme de corps découpés, torturés de diverses façons et récemment, d’anthropophagie et pourtant elle n’apparaît pas au premier abord. Peux–tu expliquer quel est le sens de ce rapport distancié à la violence.
Elsa Guillaume : Cette violence dont tu parles existe bien dans mes pièces, j’en ai conscience, sans qu’elle soit au centre de mes problématiques. Souvent elle vient sous l’apparence d’un humour noir, d’une tendre cruauté qui fait filtre à une véritable horreur. Il est vrai que l’action de découper m’intrigue beaucoup, elle est présente autant dans mes dessins que dans mes projets en volume. Lorsque je tranche, il y a quelque chose de plutôt joyeux, de l’ordre de la curiosité, de la dissection ou même de la cuisine. Découvrir les entrailles, organiser les petits morceaux et insuffler la vie dans l’inerte.
Dans les derniers projets réalisés dans le cadre du programme Kaolin, (Immergé, Rodéo & Succulente), il y a une forte préoccupation de la symétrie. Comme si j’étais à la recherche toujours d’un équilibre, d’une justesse que l’on retrouve dans les formes naturelles. Même dans l’évocation des cannibales, des tortures et autres têtes dépiautés, les formes sont soumises à une logique mathématique assez personnelle.
MG : Freud a une théorie à propos de la curiosité sexuelle sublimée en curiosité scientifique. Peut-on suggérer que la curiosité qui te fait trancher tes modelages a ce genre d’origine ?
EG : L’acte de trancher, aussi radical, violent qu’il puisse être, est aussi celui de diviser, partager... par extension, cet acte pourrait être une forme d’amour. Dans la pièce Cut Squid, par exemple, l’on devine une forme de calamar géant, étendu sur une très longue table en métal. Cela pourrait être le résultat d’une dissection scientifique improbable, mais aussi un banquet: chaque partie du corps de l’animal est soigneusement découpé, prêt à être dévoré. (à l’occasion d’un festin aussi joyeux que sanguinolant!)
Peut-être est-ce à travers la nourriture que la curiosité scientifique est sublimée en curiosité sexuelle? Pourquoi pas... Autre exemple, dans les dessins Antropocosmos Microphage, l’on peut voir une multitude de cannibales s’entre-dévorant, grouillants sur des îles luxuriantes. Ces scènes, dans mon imaginaire, relève autant de la barbarie que de l’extase amoureux.
MG : Les voyages que tu entreprends, Amérique du sud, Japon, Chine, ont-ils un impact visible sur ce que tu viens de dire?
EG : Ces voyages en solitaire, accompagnée de mon carnet, d’un rotring et d’une boîte d’aquarelle, sont évidemment une grande source d’inspiration. Néanmois, le processus qui s’opère entre un temps à l’étranger et une production à l’atelier n’est pas si simple et automatique : il y a ce temps de liberté où je peux aller où je veux, sans concerter qui que ce soit, m’arrêter dessiner lorsque bon me semble, prendre le temps de fixer des sensations, des anecdotes et autres petits détails que je ne saurais fixer avec un appareil photographique. Ces carnets deviennent ma mémoire externe, je les empile dans une caisse et c’est assez rare que je le re-ouvre. Par contre, le fait d’avoir dessiné une forme, un motif, une personne reste ancré quelque part dans un coin de mon cortex... Et puis ressurgit d’un coup, parfois bien plus tard, et influe pas mal sur les projets de l’instant.
Elsa Guillaume : Cette violence dont tu parles existe bien dans mes pièces, j’en ai conscience, sans qu’elle soit au centre de mes problématiques. Souvent elle vient sous l’apparence d’un humour noir, d’une tendre cruauté qui fait filtre à une véritable horreur. Il est vrai que l’action de découper m’intrigue beaucoup, elle est présente autant dans mes dessins que dans mes projets en volume. Lorsque je tranche, il y a quelque chose de plutôt joyeux, de l’ordre de la curiosité, de la dissection ou même de la cuisine. Découvrir les entrailles, organiser les petits morceaux et insuffler la vie dans l’inerte.
Dans les derniers projets réalisés dans le cadre du programme Kaolin, (Immergé, Rodéo & Succulente), il y a une forte préoccupation de la symétrie. Comme si j’étais à la recherche toujours d’un équilibre, d’une justesse que l’on retrouve dans les formes naturelles. Même dans l’évocation des cannibales, des tortures et autres têtes dépiautés, les formes sont soumises à une logique mathématique assez personnelle.
MG : Freud a une théorie à propos de la curiosité sexuelle sublimée en curiosité scientifique. Peut-on suggérer que la curiosité qui te fait trancher tes modelages a ce genre d’origine ?
EG : L’acte de trancher, aussi radical, violent qu’il puisse être, est aussi celui de diviser, partager... par extension, cet acte pourrait être une forme d’amour. Dans la pièce Cut Squid, par exemple, l’on devine une forme de calamar géant, étendu sur une très longue table en métal. Cela pourrait être le résultat d’une dissection scientifique improbable, mais aussi un banquet: chaque partie du corps de l’animal est soigneusement découpé, prêt à être dévoré. (à l’occasion d’un festin aussi joyeux que sanguinolant!)
Peut-être est-ce à travers la nourriture que la curiosité scientifique est sublimée en curiosité sexuelle? Pourquoi pas... Autre exemple, dans les dessins Antropocosmos Microphage, l’on peut voir une multitude de cannibales s’entre-dévorant, grouillants sur des îles luxuriantes. Ces scènes, dans mon imaginaire, relève autant de la barbarie que de l’extase amoureux.
MG : Les voyages que tu entreprends, Amérique du sud, Japon, Chine, ont-ils un impact visible sur ce que tu viens de dire?
EG : Ces voyages en solitaire, accompagnée de mon carnet, d’un rotring et d’une boîte d’aquarelle, sont évidemment une grande source d’inspiration. Néanmois, le processus qui s’opère entre un temps à l’étranger et une production à l’atelier n’est pas si simple et automatique : il y a ce temps de liberté où je peux aller où je veux, sans concerter qui que ce soit, m’arrêter dessiner lorsque bon me semble, prendre le temps de fixer des sensations, des anecdotes et autres petits détails que je ne saurais fixer avec un appareil photographique. Ces carnets deviennent ma mémoire externe, je les empile dans une caisse et c’est assez rare que je le re-ouvre. Par contre, le fait d’avoir dessiné une forme, un motif, une personne reste ancré quelque part dans un coin de mon cortex... Et puis ressurgit d’un coup, parfois bien plus tard, et influe pas mal sur les projets de l’instant.
entretien avec Michel Gouery, artiste plasticien, pour le catalogue de l'exposition Kao Export Ltd.